Derrière le geste de mauvaise humeur des actionnaires de Renault, se profile la prochaine polémique sur la rémunération des patrons : après les retraites chapeaux, voici venir les actions gratuites, soi-disant « de performance ». Un véritable effet d’aubaine.
Une première sur la place de Paris ! L’assemblée générale des actionnaires de Renault s’est donc prononcée, à 54 %, contre la rémunération de 7 millions d’euros accordée au PDG Carlos Ghosn. Certes, ce vote n’est que consultatif. Certes, la place de l’Etat au capital (19,7 %), opposé aux rémunérations en millions, a fait basculer la majorité. Certes, la double rémunération du patron – il touche au moins le même montant chez Nissan – en fait une situation très spécifique. Il reste que le comité des rémunérations, qui a confirmé dans la foulée de l’assemblée celle du PDG, ne peut se contenter de « prendre bonne note » de ce score calamiteux ; c’était déjà le vocabulaire employé l’année dernière, quand un premier vote de l’AG de Renault (négatif à 42 %) pouvait faire figure d’avertissement. « Je suis libérale, et je ne comprendrais pas que le conseil d’administration ne tienne pas compte de ce que disent les actionnaires », a scandé Laurence Parisot, à l’origine du code Afep-Medef sur le gouvernement d’entreprise des sociétés cotées, et qui s’est invitée le 2 mai sur BFMBusiness pour faire part de son étonnement.
L'aubaine absolue des actions gratuites
Derrière ce geste de mauvaise humeur se profile la prochaine polémique sur la rémunération des patrons : après les indemnités de départ octroyées même en cas d’échec, après les retraites chapeaux, voici venir les actions gratuites, dites « de performance ». Un président de comité de rémunération ne craint pas de soulever le lièvre : « C’est une anomalie complète, une rigolade, et pour les dirigeants, une aubaine absolue. » Dans le collimateur, l’absence de risque puisque, même si elles sont soumises à des conditions de performance, celles-ci sont beaucoup moins sévères que la sanction ultime des stock-options : voir le cours de l’attribution prévu jamais atteint, et donc le cadeau actionnarial jamais livré…
Surtout, depuis la loi Macron, les actions gratuites sont beaucoup moins fiscalisées que les stock-options, et les entreprises du Cac 40 se sont empressées de les généraliser. Sans que tous les conseils d’administrations aient tous été attentifs à l’avertissement du code Afep-Medef leur enjoignant de « fixer le pourcentage de la rémunération que ne doit pas dépasser cette attribution ». Ainsi, avec deux présidents hautement performants, comme Carlos Ghosn et Carlos Tavares (PSA), affichant tous deux un salaire de 3 millions d’euros en 2015, le premier va recevoir 4 millions d’euros en actions gratuites, tandis que le second n’en a été gratifié que pour deux millions. Ce simple exemple, qui ne fera pleurer personne, démontre une fois de plus que l’on nage pour les rémunérations des dirigeants, en plein arbitraire.