jeudi, 24 septembre 2020 10:33

Crédit du Nord - Société Générale - MARK - Lyxor : rencontre avec Frédéric Oudéa et Sébastien Proto - 23 Septembre 2020

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Un choix stratégique à haut risque  - 24 septembre 2020 

L’article du Figaro paru dans la soirée du 22 septembre aura donc mit le feu et précipité les choses. La «fuite» a rendu public le projet qui devait être soumis au Conseil d’Administration. Les délégués syndicaux nationaux qui devaient être reçus le lendemain l’ont été précipitamment avant le Conseil d’Administration et une réunion des Ambassadors doit se tenir actuellement. La réunion à laquelle nous avons participé s’est tenue sous la houlette de Frédéric Oudéa, accompagné de Sébastien Proto (ex-directeur de la stratégie, nouveau Directeur délégué adjoint Réseau France), Caroline Guillaumin (DRH Groupe) et Frédéric Clavière-Schiele (directeur des affaires sociales).

C’est plus une fuite, c’est une passoire.            
Nous avons fait remarquer d’emblée à la direction que cela faisait déjà la 4e fois, en peu de temps, que les salariés et leurs représentants découvraient des projets majeurs du groupe par voie de presse, alors même que les accords Emploi signés régulièrement depuis 2013 prévoient des consultations stratégiques en amont entre les organisations syndicales représentatives et la direction. Frédéric Oudéa s’est contenté de regretter les fuites et d’expliquer que, sur ce sujet avec le Crédit du Nord, la présentation d’une «étude» (Vs un projet) de la création d’un nouveau réseau bancaire avait justement vocation à ne pas travailler dans l’ombre (ce que Sébastien Proto qualifiera plus tard dans la réunion de «travail en chambre»), mais de permettre publiquement un travail avec les différentes équipes et représentants du personnel.

C’est d’ailleurs une obligation dans ce genre de projet si l’on veut qu’il ait une chance d’aboutir. Sans adhésion du personnel, ce type de projet est voué à l’échec.

La présentation du Directeur Général (DG) a commencé par un rapide rappel au sujet des résultats du 1er semestre 2020. Il a insisté sur le fait que les résultats sous-jacents étaient à l’équilibre et que les pertes étaient uniquement comptables (forte augmentation des provisions et amortissement du stock de réductions d’impôts différées). L’augmentation du coût du risque a été très substantielle, mais il espère qu’il diminuera en 2e partie d’année 2020. Concernant MARK, il a confiance en la reprise progressive des résultats sur les produits structurés actions et s’est félicité de la bonne tenue des activités de fixed-income. Et le tour d’horizon n’aurait pas été complet sans un satisfecit au sujet du ratio CET1, qui s’établit à 12,6%. 

Frédéric Oudéa a ensuite insisté sur la nécessité de traiter la question de la décote de l’action (11,64 euros au moment où ces lignes sont écrites !) auprès des investisseurs et donc sur l’importance du futur plan stratégique 2021-2025. Cela expliquerait donc la nouvelle gouvernance, issue « d’un processus très organisé et de long cours », qui a été dévoilée début août. Les principaux points à retenir sont les suivants. Tout d’abord, il fallait un seul DG Adjoint (DGA) pour toutes les activités Retail. C’est en vertu de sa plus grande expérience dans ce domaine que Philippe Aymerich a été préféré à Philippe Heim (dont le départ vers la Banque Postale ne prélude pas à un rapprochement avec cette dernière…). 

Les DGA sont en charge de l’exécution des principaux enjeux stratégiques :  Philippe Aymerich donc pour la partie Retail (notamment le pilier français), Slawomir Krupa pour la partie GBIS (et qui fait partie des « talents sur lesquels on mise dans la durée ») et enfin William Kadouch pour veiller à l’efficacité opérationnelle et donc aux sempiternelles réductions de coûts. Par ailleurs, le nombre de DG Délégués a été réduit au nom de l’efficacité. Le but est de réussir l’enjeu de l’efficacité à très court terme : avoir des résultats financiers positifs, faire preuve de dynamisme structurel, payer un dividende …   

Stratégie 2021-2025

Le projet d’étude sur le rapprochement entre BDDF et le CDN est une manifestation de ce dynamisme structurel qu’entend montrer la direction aux marchés financiers. Le DG estime que les « transformations subies par BDDF au cours des 5 dernières années ont débouché sur un constat positif ». Ce point est contesté par les remontées du terrain, mais c’est la vue depuis le 35e étage. Par conséquent, il est temps pour Frédéric Oudéa de poursuivre la transformation des activités de banque de détail en France afin de faire face à un environnement concurrentiel de plus en plus dur (réglementation, taux bas, nouveaux entrants dans la concurrence, crise sanitaire, etc.), avec manifestement une crainte marquée de la concurrence des réseaux mutualistes. C’est pourquoi il a l’ambition de construire une nouvelle banque, qui s’appuierait sur les forces respectives des réseaux BDDF et CDN. Il ne s’agirait « pas de l’absorption de l’un par l’autre, mais d’une sublimation de l’ensemble ». Et dans le rôle de l’alchimiste chargé de mener à bien cette transmutation : Sébastien Proto, nouveau DGA en charge des réseaux français. 

Un invité jusqu'à présent très discret

Ce dernier, arrivé dans le groupe en septembre 2018, s’est présenté très rapidement. Frédéric Oudéa lui a tressé des louanges flatteuses expliquant son ascension météoritique au sein de la direction et «déjà une grande fidélité à la banque», pour ensuite lui laisser la parole. Sébastien Proto souligne que, dans un premier temps, il ne s’agit que d’une phase d’étude, qui va durer jusqu’à fin novembre. Ensuite seulement le Conseil d’Administration donnera éventuellement son feu vert à la réalisation du projet. Il faudrait toutefois être bien naïf pour croire que des recherches approfondies n’ont pas déjà été menées et que la «co-construction» mise en avant par la direction ne sera pas largement guidée par les résultats préliminaires de ces dernières. Il suffit d’ailleurs d’écouter Sébastien Proto pour s’en convaincre. 

Le projet part de deux constats. D’abord que BDDF et le CDN ont leurs forces spécifiques sur des segments de clientèle différents : les particuliers et la clientèle patrimoniale pour la première, les PME pour le second. Ensuite que ces deux entités ont également des points forts différents au niveau de leurs organisations : un système IT plus développé pour BDDF, un mode de management et un ancrage territorial efficace pour le CDN. Le but est de combiner ces forces en bénéficiant d’une capacité d’investissement renforcée même si, comme le dit Frédéric Oudéa, il y a une certaine « pression sur notre capacité d’investissement ». D’où l’idée de n’avoir plus qu’un seul univers IT au lieu de deux. 

Comment éviter les erreurs de Convergence ?
D’après Sébastien Proto, ce projet voulait créer une nouvelle plateforme. La Nouvelle Banque utiliserait la plateforme BDDF comme «souche» en l’enrichissant de nouvelles fonctionnalités. Mais pas trop, afin de ne pas perdre de temps. L’objectif serait de mener la transition en 18 à 24 mois maximum tout en gagnant en qualité informatique. Un sacré défi, que tous les salariés de BDDF sont en mesure d’évaluer à la lueur de leurs difficultés quotidiennes. Car, comme nous l’avons fait remarquer à la direction, s’il y a bien une chose que 5 années de transformation nous ont appris, c’est qu’il y a loin de la théorie à la pratique en matière d’améliorations IT ! L’objectif final serait l’efficacité opérationnelle dans l’interaction des différents canaux de communication des clients avec leur banque (site, application, téléphone, agence, etc.). 

Si l’IT viendrait de BDDF, le "modèle managérial » serait celui du CDN car il a « beaucoup d’atouts » selon Frédéric Oudéa. La prise de décisions commerciales serait déléguée autant que possible au niveau de subsidiarité combinant satisfaction clientèle et contrôle des risques. On s’orienterait aussi vers la création d’échelons régionaux forts. Ce que cela signifierait en pratique reste encore en suspens, car il ne faut pas oublier non plus que la proximité des conseillers CDN avec leurs clients s’explique aussi par des portefeuilles clientèle bien moins volumineux que ceux de BDDF. Sur quel modèle s’alignerait la future entité fusionnée ? Pareille incertitude existe quant au nom du futur ensemble, chantier qui permettra à Caroline Guillaumin de faire travailler les équipes de la com à plein régime. 

Bref, la CGT n’a pas manqué de souligner les risques commerciaux et d’exécution de cette nouvelle stratégie et plus encore les risques sociaux. Quel sera l’impact sur l’emploi? Sur les conditions de travail, notamment pendant la phase de transition? Le DG nous a assuré que nous serions associés aux discussions sur une éventuelle mise en œuvre de ce plan et que le « traitement social » se ferait selon «la même philosophie» que les réorganisations précédentes c’est-à-dire sans départs contraints. Mais l’ampleur de l’impact sur l’emploi reste encore à déterminer. 


Et MARK ? Et Lyxor ?

Bien que Frédéric Oudéa n’avait apparemment pas prévu d’évoquer ces sujets, nous avons également profité de cette réunion pour évoquer d’autres projets ayant donné lieu à de gros titres dans la presse économique. En premier lieu les 450 millions d’euros d’économies annoncés en juillet sur les activités de marché (MARK) et ensuite le retour de la mise en vente de Lyxor, « pour se renflouer » comme le titre Capital. 

Le DG a d’abord écarté les «rumeurs farfelues» parues dans la presse. Aujourd’hui, Lyxor ne serait pas en vente. Il a toutefois signalé que la revue stratégique était toujours en cours et que c’était son rôle de DG de «s’interroger sur le meilleur futur» de cet «acteur spécialisé dans les ETFs» (désolé pour les autres équipes…) qui a connu des «trajectoires contrastées» au cours des dernières années. Il a attribué le retour de cette rumeur à des acteurs externes malveillants. Le monde impitoyable des affaires… 

Concernant l’avenir de MARK, il a été à la fois vague et plus précis. Plus précis dans son attachement à la place de l’activité dans le groupe, car il estime notamment qu’elle est beaucoup moins menacée par de nouveaux entrants et possède donc la capacité de rétablir des marges plus conséquentes que la banque de détail. Et comme MARK n’est pas un acteur de taille importante, il ne lui paraît pas opportun de couper encore beaucoup dans ses activités. Cependant les produits structurés actions doivent poursuivre leur réorientation vers des produits laissant moins de risques résiduels pour la banque mais aussi moins margés. Il estime donc qu’il faut faire 450 millions d’économies pour maintenir une rentabilité suffisante, mais semble indiquer que l’effort portera très largement sur les fonctions support qu’il s’agisse directement des back-offices ou des fonctions centrales dédiées. C’est là qu’est le flou, car nous n’en saurons pas plus pour l’instant. 

Enfin, Boursorama n’est pas concerné par le rapprochement de BDDF et CDN car son modèle de développement est très différent. Il se poursuivra donc en autonomie. 

Pour conclure, Frédéric Oudéa a rappelé quels étaient les enjeux majeurs à ses yeux pour les 2-3 trimestres à venir : produire de meilleurs résultats, montrer une capacité à se transformer rapidement et, toujours la même rengaine, être capables de dégager un dividende supérieur à 50% du résultat net de 2020 en mai 2021 (si la BCE le permet). Pour notre part, nous pensons que ce dernier point est totalement antinomique avec la volonté d’opérer une restructuration ambitieuse des réseaux de banque de détail en France, sans même parler des besoins d’investissement dans les autres activités. La «pression sur notre capacité d’investissement» mentionnée par le DG prend sa source au cœur de la direction …  

Après 2 heures de réunion, devant les nombreuses interrogations et points mis sur la table qui n’avaient pas eu le temps d’échange nécessaire, la direction a convenu d’une nouvelle rencontre rapidement avec Caroline Guillaumin et Sébastien Proto, avant d’aller au Conseil d’Administration… dont nous ne pourrons pas vous parler puisque les 2 représentants des salariés ne sont pas CGT. Il y a d’ailleurs l’élection du représentant (ARSA) qui s’ouvre la semaine prochaine (du 28 septembre au 9 octobre). A bon entendeur… 

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